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1001 histoires avec ATD Quart Monde

La misère n'est pas une fatalité

Écoutez ou relisez les "31 histoires pour un monde autrement" éditées par ATD Quart Monde Grand Ouest et Histoires Ordinaires

Une bonne nouvelle ! (p.85)


Dimanche 9 Juillet 2017

Une bonne nouvelle ! (p.85)
une_bonne_nouvelle.mp3 Une bonne nouvelle.mp3  (6.26 Mo)

Rachel m’envoie un SMS : « J’ai ma licence de philo et 16/20 à mon mémoire ! » Je suis contente et fière d’elle, très fière de son parcours. 

Sa vie défile dans ma tête car je l’ai connu dans son berceau à la maternité voici 23 ans. 

Ses parents venaient tout juste de sortir de la galère. Ils se battaient pour une vie meilleure et étaient pleins d’amour pour ce nouveau-né. Pendant les premières années, avec le soutien d’amis et de professionnels, ils ont mis à l’écart la boisson qui les faisait tenir debout, accepté les soins pour eux, répondu avec affection au maternage sollicité par ce nouveau-né. Mais d’autres difficultés ont surgi et sa mère est retournée vers la rue alors que Rachel était jeune enfant.

Son père l’a élevée seul jusqu’à ses neuf ans puis a accepté un placement  à l’ASE pour « qu’elle fasse de meilleures études que les enfants du quartier ». Il a été toujours très proche de sa fille, nous disant : « L’amour, c’est sacrifiant. » Il l’accueillait le plus possible : les week-ends et vacances, lui donnant des règles de vie, repas, politesse,  lui apprenant l’effort lors de longues promenades dans la nature, partageant avec elle son intérêt pour  la pêche, les chansons de Johnny Halliday, le bricolage. Il l’a accompagnée jusqu’à son décès. Rachel avait 16 ans.

« Je ne baisserais jamais les bras pour mon étoile
qui sera toujours ma raison de vivre. »
 
Le papa de Rachel. (C’est ainsi qu’il se présentait)

Les personnes croisées par ses parents, et ceux qui sont toujours présents auprès d’elle, défilent aussi dans ma tête. Ils ont bâti des liens très solides avec ses parents. Ils les ont accompagnés à un groupe de prière et à ATD Quart Monde avant la naissance de Rachel. L'ami instituteur, ayant connu lui-même l'alcool, les comprenait, les accueillait à son domicile et exigeait des efforts du père et de la mère pour suivre les soins... Il leur a donné de son temps jusqu’à partir en vacances avec le père et sa fille, après le départ de la maman du foyer, et face à un trajet en train bien compliqué pour rejoindre la montagne. 

Le médecin de la maternité : « Il a eu confiance en moi et ne m’a pas placé mon bébé », disait son père. De nombreux professionnels ont été auprès d’eux, par amour pour leur fille ils ont accepté cette présence. Parfois des tensions se sont exprimées fortement mais des professionnels se sont montrés humains comprenant l’amour de ce père pour sa fille. Le groupe d’ATD Quart monde était là pour apaiser les premières séparations après les droits de visite,  permettre au papa de passer de bonnes vacances avec sa fille et pour lui proposer de dire ses pensées, sa vision de la famille lors d’un travail de recherche national qui a abouti au livre « Contre vents et marées ».

Lors de la maladie à évolution rapide du papa, nous étions deux alliés présents à l’hôpital, à la maison où il a voulu rentrer pour les derniers week-ends à passer avec sa fille. Nous étions là aussi  pour signer le constat de son décès. La référente de l’ASE, la famille d’accueil, les deux alliés ont entouré Rachel,  ont répondu ensemble aussi bien aux tâches matérielles qu’à la préparation de la cérémonie…

Puis nous avons fêté avec elle son baccalauréat général. Nous nous souvenions de l’insistance de l’enseignant confiant dans les capacités intellectuelles de Rachel, pour qu’elle se dirige vers un bac général. Nous avons aussi fêté ses 20 ans avec tout le groupe d’ATD QM. Depuis sa prise d’autonomie, Rachel est accueillie au domicile de l’assistante familiale et de l’alliée qu’elle contacte par SMS, téléphone. Nous y répondons comme si c’était notre enfant devenant adulte, pour la soutenir dans ses démarches, dans son projet de vie. Elle bénéficie de notre réseau de connaissances.

Rachel a accepté cet environnement car son père a eu confiance en ces personnes, parce qu’elle aime la relation. Elle a su prendre en chacun de nous ce qui pouvait la soutenir. Ses parents lui ont laissé un socle solide construit sur l’amour, le respect des autres, la politesse, le travail. Ces valeurs  lui ont permis de s’adapter à ce nouvel univers : l’université. 
Cette licence, nous la fêterons avec elle en pensant à ses parents. 

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